La joie du don total
« Laisse-moi me plonger en ta paix infinie »
Pour se préparer au grand jour de sa profession, Elisabeth fait une retraite du 1er au 10 janvier 1903. Avant ces dix jours de silence, elle confie au chanoine Angles son « immense bonheur » :
"L'époux m'a dit son 'Veni' et le 11 janvier, en cette belle fête de l'épiphanie toute de lumière et d'adoration, je prononcerai les vœux qui m'uniront à jamais au Christ. Vous qui depuis mon enfance m'avez suivie et avez reçu mes premières confidences, pouvez comprendre ce bonheur si grand dont mon âme est inondée. … Je me sens enveloppée dans le mystère de la charité du Christ, et lorsque je regarde en arrière, je vois comme une divine poursuite sur mon âme; oh! que d'amour, je suis comme écrasée sous ce poids, alors je me tais et j'adore !..."Lettre 151, au chanoine Angles
Mais cette retraite préparatoire provoque une recrudescence de sa nuit intérieure si bien que la prieure s’inquiète et fait appeler le Père Vergne, un jésuite qui avait prêché une retraite au Carmel en 1901 et connaissait la communauté. Celui-ci l’écoute et la réconforte, si bien qu’Elisabeth peut vivre sa consécration dans une grande paix intérieure.
Le matin du 11 janvier, après la messe, toute la communauté monte à la salle du chapitre où a lieu la cérémonie privée et Elisabeth prononce ses vœux de pauvreté, chasteté et obéissance, jusqu’à la mort. Mère Germaine lui remet alors son crucifix de profession :
"Qui pourrait dire la joie de mon âme lorsque, contemplant le Christ que j'avais reçu après ma profession et que notre Révérende Mère a placé 'comme un sceau sur mon cœur', j'ai pu me dire : 'Enfin Il est tout à moi, et je suis tout à Lui, je n'ai plus que Lui, Il m'est Tout !' Et maintenant je n'ai plus qu'un désir, l'aimer, l'aimer tout le temps, zéler son honneur comme une véritable épouse, faire son bonheur, le rendre heureux en Lui faisant une demeure et un abri en mon âme..."Lettre 156, à madame Angles
« Un cœur à cœur pour toute une vie »
Le 21 janvier a lieu la cérémonie publique de la « prise de voile » en présence de sa famille et de ses nombreux amis, sa joie rayonne :
"Que je suis heureuse, me voilà donc épouse du Christ ! Je voudrais vous parler de ma profession, mais, voyez-vous, c'est quelque chose de si divin, le langage de la terre est impuissant pour le redire. J'avais eu déjà des jours bien beaux, mais maintenant je n'ose même plus les comparer à celui-là. C'est un jour unique et je crois que, si je me trouvais en face du bon Dieu, je n'éprouverais pas une émotion plus grande que celle que j'ai ressentie ; c'est si grand, alors, ce qui se passe entre Dieu et l'âme ! Oh, n'est-ce pas, dites merci pour moi au bon Dieu. Je suis si heureuse : la profession, c'est un jour sans déclin, il me semble que c'est déjà comme le commencement du jour qui ne finit plus."Lettre 154, à ses tantes Rolland
En témoignage de gratitude elle remet à sa prieure une image pieuse représentant l’apôtre Jean, la tête inclinée sur le cœur de Jésus. Elle y a écrit les mots qui résument ses sentiments profonds :
"Ma Mère, voici l'Époux !Il vous invite à reposer sur son Cœur.
Là vous entendrez ce qui se chante en l'âme de l'épouse
et ce qui monte de son cœur à celui de la Mère bien-aimée
qui l'a préparée au jour de l'union."
Lettre 153, à mère Germaine
Ce bonheur ne sera pas éphémère et va colorer toute la vie profonde d’Elisabeth au cours du temps qui se déroule dans la régularité et la simplicité des tâches quotidiennes. Elle écrit en juillet 1903 :
"La sainte Eglise m'a fait entendre le Veni sponsa Christi ; elle m'a consacrée, et maintenant tout est consommé, ou plutôt tout commence, car la profession n'est qu'une aurore, et chaque jour ma vie d'épouse m'apparaît plus belle, plus lumineuse, plus enveloppée de paix et d'amour."