La joie des commencements
L'esprit du Carmel
Dès l'entrée au Carmel d'Elisabeth, le 2 août 1901, la communauté est frappée par l’intensité du recueillement de la postulante.
"Tout la charmait et d’abord son nom, qui exprimait si bien le caractère de son alliance avec Dieu. Pour y correspondre elle entra dans un profond recueillement qui devait la livrer tout entière à la Trinité Sainte."Témoignage de Mère Germaine
"Une postulante de trois jours mais qui aspire au Carmel depuis l’âge de sept ans, sœur Elisabeth de la Trinité, qui donnera une sainte car elle y a déjà des dispositions remarquables."
Témoignage d'une sœur
Elisabeth connaît déjà la spiritualité carmélitaine qu’elle a goûtée en lisant Thérèse d’Avila - en particulier le Chemin de perfection – et dont elle a vécu tout en étant encore hors des murs du monastère.
Quelques jours après son entrée un questionnaire récréatif au noviciat permet de se rendre compte, non seulement de la connaissance qu’a Elisabeth de la tradition du Carmel : la Règle, l'oraison, sainte Thérèse d’Avila ; mais aussi et surtout de la lumière qu’elle y trouve. L’héritage du Carmel, c’est l’amour, un amour puisé au cœur de Dieu et qui rayonne sur le prochain.
- R. Vivre d'amour.
* Quel est le moyen le plus rapide pour y parvenir ?
- R. Se faire toute petite, se livrer sans retour.
* Quel est le saint que vous aimez le mieux ?
- R. Le disciple bien-aimé qui reposa sur le Cœur de son Maître.
* Quelle est la sainte que vous préférez et pourquoi ?
- R. Notre sainte Mère Thérèse, parce qu'elle mourut d'amour.
* Quel point de la règle préférez-vous ?
- R. Le silence.
* Quel est le trait dominant de votre caractère ?
- R. La sensibilité.
* Votre vertu de prédilection ?
- R. La pureté.
* Le défaut qui vous inspire le plus d'aversion ?
- R. L'égoïsme en général.
* Donnez-vous une définition de l'oraison ?
- R. L'union de qui n'est pas avec Celui qui est.
* Quel livre préférez-vous ?
- R. L'âme du Christ, elle me livre tous les secrets
du Père qui est aux Cieux.
* Quel nom voudriez-vous avoir au Ciel ?
- R. Volonté de Dieu.
* Quelle est votre devise ?
- R. Dieu en moi, moi en Lui.
Note intime 12
La vie au quotidien
Dans ce nouveau cadre de vie, Elisabeth est pleinement heureuse. Tout la charme en ses premiers mois de Carmel et elle peut écrire à sa mère :
" Ma petite maman chérie,Quel bonheur de venir un peu causer avec toi. Oh ! si tu savais combien je t'aime ; il me semble que je ne te remercierai jamais assez de m'avoir laissée entrer dans ce cher Carmel où je suis si heureuse. "
Lettre 85 à sa mère du 9 août 1901
Chaque jour elle passe plusieurs heures au chœur pour l'oraison silencieuse du matin, l'office, l'eucharistie et encore l'oraison du soir. Là, elle s'emploie à devenir tout entière carmélite en regardant Jésus dans le silence pour se donner comme lui. Elle prend dans sa prière tous ceux qu'elle aime tant et qu'elle vient de quitter mais aussi tous les hommes qui ont si soif de Dieu et sont parfois si loin de lui.
"Tous les dimanches nous avons le Saint-Sacrement à l'oratoire. Quand j'ouvre la porte, que je contemple le divin Prisonnier qui m'a faite prisonnière dans ce cher Carmel, il me semble que c'est un peu la porte du Ciel qui s'ouvre ! Alors je place devant mon Jésus tous ceux qui sont dans mon cœur, et là, près de Lui je les retrouve."
Lettre 91 au chanoine Angles du 11 septembre 1901
Avec bonheur elle lit, prie, travaille dans la solitude de sa petite cellule ou aux tâches communes : une vie cachée mais féconde quand tout est fait avec Lui.
"Oh ! que le bon Dieu est bon ! Je ne trouve pas d'expression pour dire mon bonheur, chaque jour je l'apprécie davantage. Ici, il n'y a plus rien, plus que Lui, Il est Tout, Il suffit et c'est de Lui seul qu'on vit. On le trouve partout, à la lessive comme à l'oraison ! J'aime entre toutes les heures de grand silence, et c'est pendant une de celles-ci que je vous écris. Représentez-vous votre Elisabeth dans sa petite cellule qui lui est si chère : c'est notre sanctuaire, rien que pour Lui et pour moi, et vous devinez les bonnes heures que j'y passe avec mon Bien-Aimé !"
Lettre 91 au chanoine Angles du 11 septembre 1901
La communauté
Et puis il y a les seize sœurs qui se retrouvent au réfectoire et pour les deux récréations où, tandis que l'on fait quelque travail manuel, on échange tout simplement et joyeusement. Deux mois après l'entrée d'Elisabeth la communauté se choisit une nouvelle prieure, Mère Germaine de Jésus, qui sera aussi la maîtresse des novices et une sous-prieure, Sœur Marie de la Trinité, chargée de guider Elisabeth dans ses premiers pas de vie religieuse. Les sœurs sont frappées par sa facilité à trouver sa juste place parmi toutes car Elisabeth ne cherche rien d'autre que d'aimer.
"Au Carmel, on fut frappé dès son entrée, de cette désappropriation d'elle-même et de la simplicité de son humilité qui ne se traduisait pas en paroles, en attitudes d'abaissement ; en récréation, rien d'affecté ; elle était la plus dilatée des novices, sans légèreté, avec cette note religieuse qu'elle apportait à tout. Nous ne l'avons jamais entendue donner son avis, dans nos récréations, sans être mise en demeure de le faire ; et, dans ce cas, elle le faisait très simplement, modestement, sans chercher à faire prévaloir son sentiment."Témoignage de Mère Germaine
La postulante aimerait tant porter la robe et le scapulaire des carmélites pour être en tout semblable aux autres. Quand approche le temps de recevoir l'habit du Carmel, Mère Germaine lui dit, mêlant bonté et fermeté : "Vous avez encore beaucoup à acquérir, peut-être serez-vous ajournée..." A quoi Elisabeth répond, mêlant le sérieux et la malice :
"Il est vrai, ma Mère, je suis bien imparfaite,mais je crois que le bon Dieu veut me faire cette grâce.
Quant à mes sœurs, pourront-elles me la refuser ?
Elles doivent m'aimer, je les aime tant !"