Une adolescente passionnée
Offrande sans condition
Son travail intensif et son haut niveau de piano n'empêchent pas Elisabeth de participer avec régularité aux temps spirituels de sa paroisse : la messe, bien sûr, les retraites organisées, les exercices du mois de Marie. Son désir d'être toute à Jésus ne cesse de croître et un peu avant le mois de juillet 1894, à 14 ans, un événement décisif se produit. C'est un matin, à la fin de la messe :
"J'allai avoir quatorze ans, quand un jour, pendant mon action de grâces, je me sentis irrésistiblement poussée à choisir Jésus comme unique époux, et sans délai, je me liai à Lui par le vœu de virginité. Nous ne nous dîmes rien, mais nous nous donnâmes l'un à l'autre en nous aimant si fort, que la résolution d'être toute à Lui devint chez moi plus définitive encore."Souvenirs de Mère Germaine
Au don de lui-même du « Bien-Aimé de l'Eucharistie », Elisabeth répond avec l'élan du coeur et la décision de la volonté : une offrande de soi totale, irrévocable et immédiate. Quelques semaines plus tard, de nouveau un matin au terme de la messe, comme un message tout personnel de Dieu, un choix émerge qui désormais orientera tous ses désirs :
"Il me sembla que le mot 'Carmel' était prononcé dans mon âme."Souvenirs de Mère Germaine
Seul obstacle : madame Catez, sa mère, qui ne veut pas entendre parler de la vocation de sa fille. Respectant sa volonté, mais souffrant en silence, Elisabeth attend et espère la levée du veto maternel tout en confiant à son cahier de poésies ses aspirations profondes et ses résolutions brûlantes. En écho à la maxime de Thérèse d'Avila, elle compose un quatrain :
"Jésus, de toi mon âme est jalouse,Je veux être bientôt ton épouse.
Avec toi je veux souffrir
Et pour te trouver mourir. "
Poésie 4
Mourir, pour retrouver l'Epoux et souffrir pour participer à la souffrance rédemptrice du Christ Sauveur. Tel est l'appel qui résonne au coeur d'Elisabeth et Thérèse d'Avila doit bien reconnaître en elle une fille selon son coeur.
Bon coeur et grande sensibilité
Sa vie spirituelle profonde n'empêche pas Elisabeth d'être une jeune fille pleine d'humour... Voici le portrait qu'elle trace d'elle-même à 14 ans, son institutrice lui ayant assigné cette tâche comme devoir de style :
"Faire son portrait physique et moral est un sujet délicat à traiter, mais prenant mon courage à deux mains je me mets à l'œuvre et je commence !... Sans orgueil je crois que l'ensemble de ma personne n'est pas déplaisant. Je suis brune et, dit-on, assez grande pour mon âge, j'ai des yeux noirs pétillants, mes épais sourcils me donnent un air sévère, le reste de ma personne est insignifiant, mes mignons pieds pourraient me faire surnommer Elisabeth aux longs pieds comme la reine Berthe !... Voilà mon portrait physique ! Puisque nous en sommes au moral, je dirai que j'ai un assez bon caractère, je suis gaie et, je dois l'avouer, un peu étourdie ; j'ai bon cœur ; je suis de nature coquette - 'Il faut l'être un peu', dit-on ; je ne suis pas paresseuse : 'je sais que le travail rend heureux' ; sans être un modèle de patience, je n'ai pas de rancune. Voilà mon portrait moral ! J'ai mes défauts, hélas peu de qualités !... J'espère en acquérir ! "Devoir de style, novembre 1894
Elisabeth a sans doute plus de qualités qu'elle ne l'avoue et un trait de son caractère n'apparaît pas dans ce portrait. C'est celui qu'elle déclarera elle-même plus tard en 1901, quelques jours après son entrée au Carmel dans un questionnaire que par jeu on proposait aux postulantes. "Quel est le trait dominant de votre caractère ?" Elisabeth répondit d'un seul mot : "La sensibilité".