Un si grand bonheur
Le Carmel au-dedans
Depuis l’âge de sept ans Elisabeth veut se donner au Seigneur. A 16 ans elle a compris qu’il l’appelait au Carmel mais sa maman s’oppose vigoureusement à sa vocation, si attachée à ses deux filles et espérant un beau parti pour son Elisabeth. En 1899 Madame Catez est finalement vaincue par la patience et l’acceptation de sa fille et l’autorise à réaliser son rêve mais pas avant sa majorité. Elisabeth aura 21 ans le 18 juillet 1901. Elle doit donc attendre encore deux ans. Elle utilise ce temps pour se préparer intérieurement laissant se développer une profonde intimité avec Dieu qui demeure en elle.
En attendant de vivre au-dedans du Carmel elle accepte de vivre ici et maintenant selon le désir qui l’habite si intensément. Elle confie à son Journal en janvier 1900 :
Journal 108
A la fin de cette même année elle écrit à celui qui fut le confident de son enfance et a cru le premier en sa vocation à la vie religieuse :
"Je me livre, je m'abandonne à lui, je suis si tranquille, je sais à qui je me confie. Il est tout puissant, qu'il arrange toutes choses selon son bon plaisir ; je ne veux que ce qu'il veut ; je ne désire que ce qu'il désire ; je ne lui demande qu'une chose : l'aimer de toute mon âme, mais d'un amour vrai, fort et généreux."Lettre 38 au chanoine Angles du 1er décembre 1900
Enfin la date de son entrée au Carmel est fixée au 2 août 1901.
C'est si bon d'être à Lui
Le 1er août – veille du premier vendredi du mois – Elisabeth, à son habitude, passe en prière une partie de la nuit, voulant accompagner le Bien-Aimé dans la solitude de Gethsémani. Madame Catez ne peut dormir. Elle vient s’agenouiller près du lit de sa fille. Leurs larmes se mêlent : "Alors pourquoi me quitter ? " demande-t-elle :
" Ah ! ma chère maman, puis-je résister à la voix de Dieu qui m'appelle ? Il me tend les bras et me dit qu'Il est méconnu, outragé, délaissé. Puis-je l'abandonner, moi aussi ?… Il faut que je parte malgré mon chagrin de vous laisser, de vous plonger dans la douleur ; il faut que je réponde à son appel.."
A 6 heures Elisabeth est levée. En hâte elle rédige encore quelques billets. Dans l’un d’entre eux, adressé au Chanoine Angles, elle confie ses sentiments :
"J'aime ma mère comme jamais je ne l'ai aimée, et au moment de consommer le sacrifice qui va me séparer de ces deux créatures chéries qu'Il m'a choisies si bonnes, si vous saviez quelle paix inonde mon âme ! Ce n'est déjà plus la terre, je sens que je suis toute sienne, que je ne me garde rien, je me jette en ses bras comme un petit enfant."Lettre 81 au chanoine Angles du 2 août 1901
Puis il faut partir. Avant de franchir le seuil de l’appartement, Elisabeth s'agenouille devant le portrait de son père lui demandant une bénédiction. Accompagnée de sa mère et de sa sœur, elle se rend à la messe de 8 heures au Carmel. Quelques amies les rejoignent : Marie-Louise Hallo – l’amie de toujours – et sa mère ; madame de Sourdon et ses filles, Marie-Louise et Françoise (qu’Elisabeth appelle affectueusement Framboise).
Après la célébration, elles la conduisent à la porte de clôture du Carmel. Elisabeth fait ses adieux. Elle regarde une dernière fois sa mère, alors que la porte se referme et qu’elle est accueillie par Mère Germaine de Jésus, sous-prieure, qui la conduit au chœur pour rendre grâces.
Seule avec le Seul
La jeune fille qui s’appelle maintenant Elisabeth de la Trinité est comblée : une vie de prière à plein temps, une oasis de silence, un climat de sobriété et de sacrifice, une communauté unie, fervente, heureuse, qui l’a très bien accueillie.
"Oh ! que le bon Dieu est bon ! Je ne trouve pas d'expression pour dire mon bonheur, chaque jour je l'apprécie davantage. Ici, il n'y a plus rien, plus que Lui, Il est Tout, Il suffit et c'est de Lui seul qu'on vit. On le trouve partout, à la lessive comme à l'oraison !."Lettre 89 à sa sœur du 30 août 1901
Epurée par sa longue attente dans le monde, Elisabeth est tout éclairée, éblouie par la Présence de Dieu par qui elle se sent guidée, portée, aimée.