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Laisse-toi aimer

Icône d'Elisabeth - Carmel de Harissa, Liban
Attention, braises ardentes ! Une étonnante pépite, une véritable perle précieuse, parmi les écrits d’Elisabeth ! A la fin du mois d’octobre 1906, quelques jours à peine avant son entrée dans la Vie, Elisabeth remet à Mère Germaine de Jésus, une petite enveloppe que la Prieure devra ouvrir seulement après la Pâque de la jeune moniale. Scellée par un cachet de cire rouge, cette enveloppe porte une inscription : « Secrets pour notre Révérende Mère ». Elle contient deux feuilles pliées en deux pour former huit pages, encore une fois pliées en deux pour pouvoir être glissées dans l’enveloppe, jointes à un billet sur lequel Elisabeth a transcrit des paroles de sainte Angèle de Foligno. Bien qu’elle soit à bout de forces, Elisabeth écrit à la plume et non pas au crayon, qui serait pourtant un peu plus facilement maniable. Pourquoi tant de solennité ?

 

Un écrit inspiré

« L’heure est si grave, si solennelle… » Alors qu’elle vit ses derniers instants, Elisabeth veut donner un ultime témoignage de reconnaissance à Mère Germaine. Comment manifester la gratitude qu’elle éprouve envers cette grande moniale qui l’a accueillie au monastère, qui a été sa Prieure et sa formatrice, qui a reçu ses vœux et qui maintenant l’accompagne jusqu’au bout dans l’offrande d’elle-même à Dieu ? Des mots humains seront-ils à la hauteur pour exprimer quelque chose d’un lien si fort ? « Son Dieu, aux heures de recueillement profond, de contact unifiant, lui a fait comprendre » : Elisabeth reçoit, du plus profond de son cœur uni à Dieu, les paroles qu’elle va adresser à Mère Germaine. Elles jaillissent de si loin qu’elle est convaincue que ce sont comme des paroles de Dieu pour la chère Prieure. Pour cela, elle va jusqu’à se considérer elle-même, telle un prophète, comme « "le porte-voix" du bon Dieu ».

 

Laisse-toi aimer

Lettres et encrier d'ElisabethC’est d’amour qu’il s’agit car, comme Elisabeth l’a écrit dans une de ses lettres à la même époque, « il n’y a que cela qui demeure » (Lettre 333). L’appel que Dieu adresse à Mère Germaine par la voix de la jeune moniale est bouleversant, renversant : « Il ne vous dit pas comme à Pierre : “M’aimes-tu plus que ceux-ci ?” (…) Il vous dit : “Laisse-toi aimer plus que ceux-ci” ». Là, Mère Germaine reçoit comme une vocation nouvelle au sein de sa vocation de Carmélite : elle est appelée à faire le bonheur de Dieu en se laissant aimer par lui, en croyant que son amour est plus fort que toutes ses errances, car « cet amour saura refaire ce que tu aurais défait ». Mais tout de même, au vu de sa misère, de son péché, cela sera-t-il encore vrai ? Oui, pourvu qu’elle soit indéfectiblement fidèle à ce qui dépend d’elle : croire en l’amour, « croire qu’Il opère encore, qu’Il vous aime quand même, et plus même ». L’amour ne s’explique pas, l’amour est, un point c’est tout !

Ecritoire d'Elisabeth au CarmelEt nous ? Ce texte si intime, comme les plus grand textes mystiques, peut être accueilli par tous les croyants, car chacun de nous, à sa manière, est appelé à découvrir cette merveille : « Vous êtes étrangement aimée ». En réponse à cette immensité d’amour, Dieu nous appelle à nous laisser aimer et à le glorifier ainsi : en le laissant nous aimer, nous lui donnons l’occasion de faire ce qu’il aime le plus.