Les poésies
Le Corpus des écrits comprend à l’heure actuelle cent-vingt-six poèmes dont soixante-quinze rédigés avant son entrée au Carmel. Sur les cinquante et un composés au Carmel, plus de la moitié le seront à l’infirmerie. Elisabeth ne parle jamais de « poème », elle écrit plus simplement « mes vers » (P 8). C’est à Carlipa, qu’elle s’initie à la versification avec l’aide de Monsieur le curé (Lettre 137).
Une clef de lecture
La poésie est un mode d’expression fréquent chez les personnes qui ont une grande sensibilité. Souvent une expérience ineffable peut alors s’exprimer par des vers. Ainsi la poésie d’Elisabeth n’est pas une œuvre littéraire, mais l’expression de ses sentiments. Elle nous donne une clef de lecture : « Mes vers sont l'écho de mon cœur, / Et s'il leur manque l'harmonie / Ou une douce mélodie, / Ils vous diront toujours “bonheur” » (P 28). Il nous faut donc entendre cet « écho » et pour cela ne pas nous attarder à regarder la défaillance des rimes et du rythme, même si cela nous surprend de la part de la grande musicienne qu’est Elisabeth. Ses poésies sont une sorte de journal intime où nous percevons la force de l’amour qui fait vibrer tout son être et les combats intérieurs qu’elle mène pour s’abandonner à la volonté de Dieu (P 44). Nous pouvons les lire en parallèle avec certaines parties de son Journal ou de ses Notes intimes.
« L’écho de mon cœur »
Les poèmes d’Elisabeth sont une sorte d’autobiographie qui nous permet de suivre son itinéraire spirituel. Sa poésie révèle sa tendresse pour ses proches, vivants (P 1bis, 3, 78, 82) et défunts (P 19 et 37), pour ses amies (P 16 et 17). Elle chante son amour émerveillé pour la nature (P 9 et 54), et contemple dans la beauté des créatures le reflet de celle, infinie, de Dieu. Nous sentons son cœur vibrer lors de divers pèlerinages : Lourdes (P 53, 59 et 65), Domois (P 48). Son âme s’embrase pour évoquer le sacrement de l’eucharistie (P 21, 24, 47), le mystère de Noël (P 23, 45, 75, 86) ou celui de la Pentecôte (P 54). Elle exprime le désir profond qui est le sien de répondre à l’appel de Jésus à le rejoindre au Carmel (P 2 et 33) et gémit après l’arche bénie (P 29).
« En cette profondeur, ce calme et ce mystère »
Au Carmel, la poésie d’Elisabeth se transforme peu à peu. Le fait de devoir écrire sur diverses mélodies aide à la fluidité et au rythme de la phrase, mais plus encore ses vers reflètent la profondeur de son âme contemplative. Désormais, elle n’écrit plus seulement pour elle-même mais pour être entendue de ses sœurs lors des récréations. Elle chante, pour elles et avec elles, ce qu’elle a compris de la vocation de la carmélite (P 83 et 94). Ses poèmes acquièrent une profondeur théologique et spirituelle singulière et sont imprégnés de pensée paulinienne. Ils permettent de percevoir la lumière surnaturelle sous laquelle elle demeure « immobile et paisible » (Note Intime 15). Plus qu’une œuvre littéraire, les poésies d’Elisabeth sont un message spirituel dont l’écho en ceux qui les lisent n’a jamais fini de résonner pour les entraîner dans les profondeurs abyssales de l’amour divin.