Flavignerot : homélie de l'archevêque
pour la clôture du procès diocésain
en vue de la canonisation
Mes chères sœurs, mes chers frères, ce passage de l’apôtre Paul que nous venons d’entendre (Rm 12, 1-2) et que la bienheureuse Elisabeth affectionnait particulièrement, c’est comme le résumé de notre existence chrétienne, une existence qu’elle a vécue de la manière la plus intense possible. Ce que dit l’apôtre s’adresse à tous, à tous les chrétiens : « ne vous modelez pas sur le monde présent », ne vous conformez pas au monde présent mais laissez-vous transformer, « que votre jugement soit transformé par l’Esprit Saint » et alors vous serez heureux, vous serez en accord avec la volonté de Dieu, vous laisserez s’accomplir en vous ce que Jésus est venu réaliser, nous transformer dès cette vie pour que nous soyons prêts à partager celle de Dieu.
Elisabeth, au cours de sa brève vie, a vécu ce processus de transformation. Une toute jeune fille qui parle de la Trinité avec une telle aisance, une telle familiarité, une telle profondeur, ce n’est pas possible sans une transformation de son cœur, de son intelligence, de sa sensibilité. Ce qu’elle a réalisé, tous nous sommes appelés à le devenir : nous laisser transformer par la puissance de l’Esprit Saint, pour que notre regard ne soit pas rivé aux choses de ce monde, à l’horizon terrestre, ce qui est le cas de la plupart de nos contemporains dans la culture qui est la nôtre.
Nous ne regardons pas plus loin et nous ne voulons pas voir que Dieu est présent, qu’il est présent dans notre monde, qu’il a fait, qu’il est présent dans notre cœur, qu’il veut habiter, qu’il est présent dans les relations entres les hommes pour qu’ils soient gouvernés par le respect mutuel et l’amour du prochain. Dieu, qu’Elisabeth a accueilli avec tant de facilité dans sa vie, Dieu doit faire partie de l’horizon de nos vies. Sinon nos vies s’étiolent, sinon nos vies prennent des directions aberrantes, sinon nous ne trouvons pas de sens à cette vie. C’est Dieu qui nous a faits et le sens de ce que nous sommes, de ce que nous devenons, de ce que nous voulons.
Regardons Elisabeth : dans l’Eglise, les bienheureux et les saints sont là pour nous montrer le chemin, même si nous ne pouvons pas courir aussi vite qu’eux. Mais le chemin est là et ils nous donnent cette confiance que nous sommes une grande famille humaine qui regarde vers le ciel, vers l’accomplissement de notre vocation, le ciel qui, dans toute la Bible, est la réalisation achevée du plan d’amour de Dieu sur tout ce qu’il a fait.
Aujourd’hui, nous nous réjouissons autour de vous, Marie-Paul, de pouvoir rendre grâce à Dieu qui vient nous visiter par ses gestes inattendus que sont les guérisons miraculeuses. Nous revenons de Lourdes, le pèlerinage diocésain qui depuis des décennies et des décennies est aussi l’expression d’une espérance car là aussi le Seigneur Dieu réalise des choses inattendues, des miracles inexpliqués pour montrer qu’il est là, qu’il est présent dans nos vies, qu’il veut agir et que son action est toujours pour nous restaurer, nous remettre debout, nous guérir, nous aider à aller plus loin. Le miracle accompli dans notre corps est le signe de l’action permanente qu’il adresse pour nous et sur nous dans notre esprit et dans notre cœur : « Transformez-vous selon la puissance de l’Esprit Saint ». Nous sommes pleins de reconnaissance pour ce que le Seigneur réalise pour nous grâce à Elisabeth. Son rayonnement discret, profond continue de marquer les hommes et les femmes sur tous les continents et c’est parce qu’elle ne l’a pas cherché qu’elle rayonne. C’est parce qu’elle est l’instrument d’un autre qu’elle est transparente à la volonté de Dieu, à l’action que Dieu veut exercer parmi les hommes pour leur montrer qu’il les aime, qu’il veut leur bien, qu’il veut leur vie et une vie heureuse.
Aujourd’hui, grâce au travail harassant des membres de commission qui ont enquêté sur ce miracle attribué à la bienheureuse Elisabeth, nous pouvons rendre grâce à Dieu. Ils ont interrogé plus de quarante personnes, je crois, et avec une exactitude, une probité, une objectivité, une patience, au cours de plusieurs voyages aller retour en Belgique. Ils ont recueilli les témoignages et l’Eglise, comme vous le voyez, ne fait rien à la légère. Elle suit des procédures strictes. Il faut que les témoignages soient des témoignages authentiques, avérés, certifiés et que la convergence des témoignages puisse faire aboutir à une certitude. Je voudrais au nom de tous remercier tous ceux qui ont participé à cette procédure : le père Antonio tout d’abord, monseigneur Apeciti, le père Yves Frot, le père Chadeuf. Aujourd’hui, avec la présence du postulateur général de l’Ordre nous nous rendons compte du sérieux de cette démarche. La longue patience que vous avez démontrée et le résultat auquel vous êtes parvenus, plus de 1700 pages !, font que nous sommes certains que la procédure sera transférée à Rome dans les meilleures conditions. Il ne manquera pas une virgule, il ne manquera pas un accent et nous pensons que grâce à cette diligence extrême, la cause en canonisation d’Elisabeth de la Trinité pourra avancer rapidement. Nous le souhaitons pour notre diocèse, nous le souhaitons pour l’Ordre des Carmes évidemment, nous le souhaitons même pour l’humanité entière car sur tous les continents Elisabeth est invoquée.
Et si cette figure pouvait nous être donnée en exemple en cette Année de la foi qui va s’ouvrir. La foi, elle se concentre sur le Credo. Le Credo, c’est la Trinité. Elisabeth a découvert la présence, l’action, la beauté de la relation entre les personnes divines au sein de la Trinité. Peut-être, qui sait, le Seigneur nous favorisera d’une nouvelle grâce en permettant cette canonisation au cours de l’Année de la foi, sinon après ! Parce que la foi ne change pas, le Credo non plus et Elisabeth non plus…