Flammes du Carmel
Lorsqu’elle entre au Carmel le 2 août 1901, Elisabeth connaît déjà la spiritualité carmélitaine qu’elle a rencontrée en lisant Thérèse d’Avila - en particulier le Chemin de perfection – et dont elle a vécu tout en étant encore hors des murs du Monastère.
Elle trouve sa lumière dans la tradition du Carmel : la rencontre du Dieu vivant, pour accueillir son amour et le laisser s’écouler sur ceux qu’elle porte dans sa prière.
Sur les pas d’Elie
Elisabeth revient à la source : des ermites se réunissent au Mont Carmel selon le modèle de la Laure orientale. Ils dédient leur oratoire à la Vierge Marie et s'appellent frères de Notre Dame du Mont Carmel. Ils prennent le prophète Elie comme inspirateur et retiennent sa double devise : "Il est vivant le Dieu d'Israël en présence de qui je me tiens" ; "Je brûle de zèle pour le Seigneur Dieu des armées".
« Aimez le silence, l'oraison, c'est l'essence de la vie du Carmel. Demandez à la Reine du Carmel, notre Mère, de vous apprendre à adorer Jésus dans des recueillements profonds, c'est elle notre première patronne… Je voudrais vous parler aussi de saint Elie, notre premier Père, vous voyez que notre ordre est bien ancien puisqu'il remonte jusqu'aux prophètes. Ah, je voudrais pouvoir chanter toutes ses gloires ! Aimons notre Carmel, il est incomparable ! »
Lettre 136
« Saint Paul, dit que "Dieu nous a élus en Lui avant la création, pour que nous soyons immaculés et saints en sa présence, dans la charité". Vivre en la présence de Dieu, n'est-ce pas un héritage que saint Elie a légué aux enfants du Carmel, lui qui, dans l'ardeur de sa foi, s'écriait : "Il est vivant, le Seigneur Dieu, en présence duquel je suis" ? Si vous voulez, nous lui demanderons ce don d'oraison qui est l'essence de la vie du Carmel, ce cœur à cœur qui ne cesse jamais, parce que, quand on aime, on n'est plus à soi, mais à l'objet aimé, et l'on vit plus en lui qu'en soi-même. »
Lettre 299
Sur les pas de Thérèse d’Avila
Dès l’âge de dix-huit ans, Elisabeth lit le Chemin de perfection, et se laisse façonner par l’enseignement de Thérèse.
« Je lis en ce moment le Chemin de la perfection de sainte Thérèse. Cela m'intéresse énormément et me fait beaucoup de bien. Mère Thérèse dit de si bonnes choses sur l'oraison... Comme j'aime la façon dont elle parle de la contemplation, ce degré d'oraison dans lequel c'est Dieu qui fait tout et où nous ne faisons rien, où Il unit notre âme si intimement à Lui que ce n'est plus nous qui vivons mais Dieu qui vit en nous... Elle parle si bien aussi de l'amitié : "Oh, quelle véritable et parfaite amitié que celle d'une personne qui travaille au bien spirituel de son prochain en préférant ses intérêts aux siens propres..." »
Journal 13
Entrée au Carmel le 2 août 1901, la postulante découvre la vie modelée par la Fundadora et elle s’y coule avec un immense bonheur. Thérèse est maintenant la « Mère » qui l'engendre au Carmel et les intuitions fondamentales de la sainte deviennent sa chair et son sang
* Passion pour le Christ qui s’épanouit dans l’oraison continuelle et la générosité d’une vie accueillante à la croix ;
* Amour inconditionnel de l’Eglise ;
* Détachement de soi-même dans la dynamique de l’amitié fraternelle ;
« Notre sainte Mère Thérèse disait que lorsqu'on sait s'unir à Dieu et à sa sainte volonté, acceptant tout ce qu'Il veut, on est bien, on a tout ! Je vous souhaite donc cette paix profonde dans le bon plaisir divin... »
Lettre 220
Mais surtout désir de la gloire de Dieu, qui prend chez la musicienne Elisabeth la forme d'une vocation nouvelle : « Louange de gloire » de la Trinité.
« En vraie fille de sainte Thérèse, je désire être apôtre pour donner toute gloire à Celui que j'aime. »
Lettre 276
Sur les pas de Jean de la Croix
En venant au Carmel, Elisabeth apporte le tome III des Œuvres de saint Jean de la Croix. Il contient La Montée du mont Carmel et La Nuit obscure. En février 1902, elle reçoit avec beaucoup de joie, de Madame de Bobet, le tome IV qui contient deux autres œuvres, le Cantique spirituel et la Vive flamme d’amour. Elle confie : « Je désirais tant ce beau Cantique ».
Tout au long de ses lettres, Elisabeth emprunte de nombreuses expressions à saint Jean de la Croix. Ses écrits l’ont illuminée et confortée. Alliant le feu de l’amour et la rigueur de la pensée, ils ont validé et enrichi sa propre expérience.
« Ecoutez ce que nous dit notre Père saint Jean de la Croix : "O la plus belle des créatures, âme qui désirez si ardemment connaître le lieu où se trouve votre Bien-Aimé, pour le chercher et vous unir à Lui, vous êtes vous-même la retraite où Il s'abrite, la demeure où Il se cache. Votre Bien-Aimé, votre Trésor, votre unique Espérance est si près de vous qu'Il habite en vous-même ; et à vrai dire, vous ne pouvez pas être sans Lui !" Voilà toute la vie du Carmel, vivre en Lui... L’âme à travers tout voit Celui qu'elle aime et tout la porte à Lui : c'est un cœur à cœur continuel ! »
Lettre 136
« Puisqu'Il est là, tenons-Lui compagnie, comme l'ami à Celui qu'il aime ! C'est cette union qui est comme l'essence de notre vie du Carmel ; c'est ce qui fait que notre solitude nous est si chère, car, comme dit notre Père saint Jean de la Croix : "Deux cœurs qui s'aiment préfèrent la solitude à tout"... »
Lettre 184
Sur les pas des carmélites de Compiègne
Dans le climat de persécution religieuse vécue en France, au début du XIXème siècle, le message des carmélites de Compiègne devient très actuel. Après l’expulsion de leur monastère en 1792 lors de la Révolution, la prieure rédige un acte de consécration pour que la paix soit rendue à l’Eglise et à la France. Elles sont arrêtées et guillotinées en 1794. Leur générosité inconditionnelle rejoint le désir de don de soi d’Elisabeth.
« Nous allons avoir de bien belles fêtes en l'honneur de nos bienheureuses martyres de Compiègne. Oh ! que je serais heureuse si mon Maître voulait aussi que je verse mon sang pour Lui ! Mais ce que je Lui demande surtout, c'est ce martyre de l'amour qui a consumé ma sainte Mère Thérèse que l'Église proclame "victime de charité" ; et puisque la Vérité a dit que la plus grande preuve d'amour était de donner sa vie pour celui qu'on aime, je Lui donne la mienne... Demandons cette force de l'amour qui brûlait dans le cœur de nos bienheureuses afin que nous aussi soyons martyres de cet amour. »
Lettre 287
Sur les pas de Thérèse de Lisieux
Elisabeth fut une des premières lectrices de Thérèse. L’Histoire d’une âme paraît en 1898 et le Carmel de Dijon en est un enthousiaste diffuseur. C'est par ce biais qu’Elisabeth, encore dans le monde, en fait la connaissance. Au Carmel elle continue de se faire son disciple et d’assimiler son enseignement tout en grandissant dans sa grâce particulière.
« Je vous recommande à tous nos saints, et tout particulièrement à notre sainte Mère Thérèse et à sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus. Oui, ma petite sœur, vivons d'amour, soyons simples comme elle, faisant la volonté du bon Dieu sans rechercher des choses extraordinaires. Et puis faisons-nous toutes petites, nous laissant porter, comme l'enfant dans les bras de sa mère, par Celui qui est notre Tout... Il faut nous laisser transformer en une même image avec Lui, et cela tout simplement, en aimant tout le temps de cet amour qui établit l'unité entre ceux qui s'aiment ! Demandez-Lui que je ne vive plus que d'amour, "c'est ma vocation". »
Lettre 172
« Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus dit que "l'on n'est consumé par l'Amour qu'autant que l'on s'est livré à l'Amour". Il faut que nous nous laissions enraciner en la Charité du Christ, comme dit saint Paul. Et comment cela ? En vivant sans cesse, à travers toutes choses, avec Celui qui habite en nous et qui est Charité. Il a si soif de nous associer à tout ce qu'Il est, de nous transformer en Lui... C’est si bon d'être le petit enfant du bon Dieu, de se laisser porter par Lui tout le temps, de se reposer en son Amour ! Demandons bien cette grâce de simplicité et d'abandon à sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus. »
Lettre 179
« Je vous confie tout particulièrement à une petite carmélite morte à vingt-deux ans en odeur de sainteté qui se nommait Thérèse de l'Enfant-Jésus. Elle disait avant de mourir qu'elle passerait son ciel à faire du bien sur la terre ; sa grâce est de dilater les âmes, de les lancer sur les flots de l'amour, de la confiance, de l'abandon ; elle disait qu'elle avait trouvé le bonheur quand elle avait commencé à s'oublier. Voulez-vous l'invoquer chaque jour avec moi afin qu'elle vous obtienne cette science qui fait les saints, et qui donne à l'âme tant de paix et de bonheur ! »