Bienheureuse Eglise
Le 25 novembre 1984, Elisabeth était béatifiée à Rome par le pape Jean-Paul II. Dans la revue diocésaine de Dijon, son évêque monseigneur Jean Balland y consacrait son éditorial du 12 octobre.
Le don du Seigneur
La proclamation du 25 novembre reconnaît et consacre le merveilleux « instinct » du Peuple de Dieu qui a su, très tôt et durablement, percevoir, dans la destinée brève et cachée d’Elisabeth, le don de son Seigneur. De Mère Germaine prieure attentive et perspicace du Carmel à tant de vies sacerdotales, religieuses et laïques inspirées et dynamisées, en passant par ces bouquets pauvres et anonymes qui ont toujours fleuri la tombe d’Elisabeth, c’est tout un chant d’Eglise, chant ininterrompu de foi et de reconnaissance, qui va être authentifié à Saint-Pierre de Rome pour se répercuter avec une vigueur nouvelle jusqu’aux confins de l’univers.
Bienheureuse Eglise qui, malgré ses imperfections visibles, a su donner à Elisabeth tous les éléments dont elle a fait son miel au goût inoubliable, ce miel dont maintenant nous sommes nourris pour produire, nous aussi, notre fruit.
Bienheureuse Eglise diocésaine qui, au moment où elle en a certes besoin, reçoit, cette année, le témoignage exceptionnel et redoublé de fidélité indéfectible de son Seigneur.
Heureuse Eglise qui, à travers et par-delà la variété des situations et des engagements, des fonctions et des ministères, appelle de la part du Seigneur, chacun, chacune, quelle que soit sa pauvreté, à cet accomplissement inouï de la sainteté aux visages infiniment divers et tous éclairés de la même lumière.
La fidélité au Christ
Heureuse Eglise invitée aujourd’hui à vivre, pour le rayonner, le message d’Elisabeth. Et heureuse Eglise lorsque le visage qu’il lui est donné de contempler et aussi attachant et stimulant que celui d’Elisabeth. Sa jeunesse définitive et son extraordinaire capacité d’amitié toujours offerte et disponible nous entraînent à chercher le secret de son aisance si oublieuse d’elle-même et à le trouver dans la vérité toute simple d’une vocation prise au mot, réalisée sans arrière-pensée, ni sortie de secours, ni restriction d’aucune sorte.
Avec Elisabeth, nous voici appelés nous aussi à la fidélité simple et quotidienne, celle qui ne cherche pas le sensationnel, mais qui transfigure le banal, celle qui connaît la lente maturation des choix et qui, le moment venu, s’y livre à fond, celle qui traverse l’épreuve et la détresse et qui, dans le Christ, en retourne l’aiguillon néfaste pour en faire, par le don de soi, l’œuvre suprêmement utile dont le monde a besoin.
En cette fin de siècle qui hésite entre la fatigue et l’espoir, entre la répétition et l’inédit, Elisabeth, discrète et prévenante, nous indique et partage la source de vie auprès de laquelle elle a voulu se tenir avant de s’y fondre. Elle n’en parle ni par science, ni par clichés, mais par expérience personnelle. Près de cette source, les mots les plus usés retrouvent fraîcheur et vie. La nouveauté de Dieu fait craquer nos croûtes. La vie de Dieu partagée dans le Christ lève nos barrages de castors affairés et alimente le cours de l’aventure spirituelle.
Sans discours ni leçon, notre petite Sœur Elisabeth a trouvé paix et repos. Et elle en prophétise lumineusement le lieu dans le mystère du Christ qui envahit toute sa vie et reproduit en elle sa Mort et sa Résurrection : « Mon rêve, c’est d’être la louange de sa gloire… Mais cela demande une grande fidélité car, pour être louange de gloire, il faut être morte à tout ce qui n’est pas Lui, afin de ne vibrer que sous sa touche ». L’expérience montre que de telles paroles, lorsqu’elles sont accréditées par toute une vie, appellent et libèrent aujourd’hui autant qu’hier. Oui, bienheureuse Eglise, Mère d’Elisabeth. Et nous-mêmes, réjouissons-nous d’avoir une telle sœur près de nous sur notre route.